mercredi 13 août 2008

Comment gagner de l'argent au poker ?

Un article au titre un peu aguicheur. Je vais libérer tout de suite les personnes pensant y découvrir une révélation, je n'ai pas la recette miracle. Néanmoins, je vais essayer de faire un petit tour d'horizon assez simple, mais qui peut permettre de recadrer certaines choses. Revenir aux bases et aux fondamentaux peut parfois faire du bien. Il peut arriver qu'après un apprentissage réussi et le passage des débuts perdants à plusieurs mois régulièrement gagnants, le joueur essaye de passer à la vitesse supérieure et se perde un peu dans son poker, stagne voir même régresse. En fait, il ne sait plus très bien pourquoi il gagnait, pourquoi il ne gagne plus, et comment faire pour reprendre une progression sereine et régulière.


La progression d'un joueur peut créer pas mal de turbulences ou l'amener à commettre quelques erreurs (de plus).


La montée de limite (CashGame, SnGo, Tournois).
Ce n'est pas forcément une erreur, mais inévitablement, on affronte des joueurs plus forts. Et forcément, on gagne en général moins et moins souvent. Conséquence, le joueur se confronte à des joueurs meilleurs techniquement et mentalement. De plus, le jeu peut être différent aux limites supérieures, et il faut un temps d'adaptation pour maîtriser de nouvelles subtilités (3Bet light, Steal, Resteal, Floating,

La modification de son jeu.
De même, ce n'est pas une erreur en soi. Faut il nécessairement essayer de devenir Loose Agressive quand on est tout juste un joueur Tight Semi Agressif correct? Rien n'est moins sûr. Après la mise en place d'un jeu serré et prudent, qui souvent permet de d'obtenir de bons résultats aux petites limites, le joueurs essaye d'élargir son jeu, et d'être plus agressif. Cette modification peut être compliquée. Elle demande une grande habileté dans le jeu postflop et la lecture des joueurs adverses. Une évolution LAG mal réalisée peut être catastrophique. Conséquence, au lieu de devenir LAG, le joueur devient plutôt donk.

La poussée d'ego.
Alors qu'au début le joueur novice redoutait et respectait tout le monde, et du coup évoluait avec beaucoup de prudence et de pondération, le joueur après quelques mois de succès peut se sentir pousser des ailes et décider qu'il temps de commencer à raser les tables. Conséquence, il sur joue beaucoup de mains et s'empale régulièrement contre des monstres.

Le tilt.
Ce n'a peut être rien a voir avec la progression. Ça a peut être a voir avec le point précédent. Lorsque le joueur débute, il cherche tout d'abord à ne plus perdre d'argent. S'il atteint cet objectif, il va jouer de plus en plus sereinement. Il fait de moins en moins d'erreurs, et gagne de plus en plus. Du coup, il encaisse assez bien les bad beat. "Ça devait arriver". "C'est le poker". Le joueur s'émerveille de ne plus perdre et de monter petit à petit une bankroll. Dans la seconde phase, le joueur modifie son jeu, monte de limite, se donne des objectifs plus élevés. La modification de son jeu fait que cela se passe un peu moins bien. Il reperd peut être même un peu d'argent. En tout cas, il est loin de ses nouveaux objectifs. Dans cette situation, la frustration commence à grandir. Le joueur est beaucoup plus sensible aux bad beat. Le tilt n'est pas loin. Et si le tilt se déclare, c'est une spirale négative qui s'enchaîne. Pertes record. Frustration grandissante. Tilt plus violent. Perte de confiance... En fait, la stagnation initiale n'est due au départ qu'à des erreurs dues à de mauvaises applications des nouveaux concepts appris d'une part, et au fait d'affronter de meilleurs joueurs d'autre part. Ensuite, le tilt fait le reste.

Vouloir attraper un joueur trop vite et la perte de patience en général
Beaucoup de monde a vu le film "Les joueurs" (Rounders) et connaît la maxime suivante: "A une table de poker, si tu ne trouve pas qui est le fish, c'est que le fish c'est toi". Je me souviens de mes débuts fébriles à la table ou online en espérant secrètement ne pas être le fish. Mais en fait, j'avais bien d'autres préoccupations. Dès que je recevais deux cartes, je me demandai à chaque action ce que j'allais bien pouvoir en faire. Call? Fold? Raise? A chaque nouvelle lecture d'un livre, je devais resserrer mon jeu et prendre sur moi pour arrêter de payer des relances avec des mains pourtant super sexy comme "KJs" ou "A7s". Découverte de la domination, puis de la position. L'apprentissage de la technique de base m'empêchait de me concentrer sur les autres joueurs. Puis avec le temps, je me suis trouvé une Range de mains viable, et un système gagnant à mes limites. Et j'ai commencé à regarder les autres joueurs, et à m'apercevoir que certains faisaient des erreurs. "Lui, c'est un fish, je vais l'attraper". Jusque là tout va bien. Seulement le risque, c'est de confondre "Allez à la pêche" et "Allez chez le poissonnier". Dans un cas, on se prépare à une lutte, on prépare son matériel, on choisit ses appâts, et à force de patience, on finit par attraper un fish. On n'attrape pas un fish sur la première main avec n'importe quelles cartes. Ce n'est pas parcequ'un joueur fait parfois des erreurs que l'on va l'attraper à la première occasion. Il m'est arrivé de me faire défoncer en cash game par un fish. En voulant forcer la prise du poisson, je me suis mis moi même à faire plus d'erreur que lui, et de plus grosses. Et cela se paye cher, car alors les rôles s'inversent.

Se fixer des objectifs démesurés.
Fort de quelques succès, et d'une bankroll naissante, on commence à avoir de grands projets. Dans un mois telle valeur, montée de limite, je réajuste un peu le ROI ou le gain horaire à la baisse, puis remontée de limite, ... et dans x mois, je tente de passer pro... Oula ! Et pourtant, qui n'a jamais eu ce délire au moins l'espace d'un instant ?? Avoir de l'ambition c'est bien. Mais attention au scénario cata. Montée de limite 1 OK. Arrivée de quelques difficultés dues aux meilleurs joueurs, on prend un peu de retard, on force un peu et on fait quelques conneries. L'écart sur le planning se creuse, on se frustre. On réagit mal à un ou deux bad beats classiques, et hop, un petit tilt des familles. Et on crame tout ou partie de la bankroll, tout est à refaire.

De plus les cycles, les rushs, les bads runs, je ne veux pas y porter trop d'attention, mais ça existe. Au poker, on ne choisit pas quand rentre l'argent à court terme. Par contre, quand je regarde les graphes de certains sur CP sur des volumes de 10k ou plus, que c'est quasi lisse vers le haut, et que d'autres pleurent qu'ils sont les plus gros bad runners que la terre ait jamais porté, Hand History à l'appui, je ne peux m'empêcher d'être dubitatif. J'ai plutôt tendance à penser que le premier joueur est un très bon joueur qui fait très peu d'erreur, et qui laisse passer les bad beats comme si de rien n'était, concentré sur sa technique, et que les autres joueurs se mentent et ne cherche pas à corriger leurs erreurs.

Le poker un est jeu de patience et un jeu d'erreurs. Les meilleurs sont les plus patients, ceux qui savent attendre les bonnes opportunités (et même les provoquer), et ceux qui font le moins d'erreur. Il m'arrive de temps en temps d'ouvrir une table de cahsgame à une limite au dessus de la mienne pour regarder. En général, cela n'a rien d'impressionnant. Le poker y est très semblable. Mais les joueurs qui y jouent sont souvent ceux qui faisaient le moins d'erreur à limite inférieure, qui y ont accumulé suffisamment d'argent pour se construire une bankroll pour jouer à la limite du dessus. Et si de nouveau ils font moins d'erreurs que les autres joueurs à cette limite, ils pourront accumuler les $ et de nouveau monter de limite. Jusqu'à se confronter à une difficulté importante. Il n'y aura que deux issues: résoudre ces difficultés ou redescendre à la limite inférieure. Ils auront atteint leurs propres limites. Pour résoudre les difficultés, une seule solution à mon avis: travailler. Et oui, je sais, c'est décevant. Mais chaque problème complexe à une solution simple qui ne marche pas. Et je pense que le poker est un jeu complexe.

A partir de là, on peut peut etre en tirer quelques lignes directrices:
- comment gagner de l'argent au poker ? En jouant contre des joueurs moins bon que soi.
- comment savoir qu'un joueur est moins fort que moi ? Il fait plus d'erreur que moi. Et donc je dois faire moins d'erreurs que les autres joueurs.
- comment faire moins d'erreurs que les autres joueurs ? En travaillant.
- que dois je travailler ? Tout.
- mais encore ? Vaste sujet.

Pour rester sur le thème des erreurs: d'abord, pour ne pas faire une erreur, il faut savoir que c'est une erreur. Donc, il faut se documenter sur la technique correcte. Les forums, les livres, les vidéos, les blogs, les teams, les discussions entre amis. Les moyens ne manquent pas. Ensuite, une fois qu'une erreur est identifiée, il faut pouvoir la mesurer. Pour cela, il est indispensable d'utiliser un tracker pour stocker toutes ses parties et toutes ses mains et les revoir systématiquement. Dès qu'on a un doute sur une main, le mieux est de la poster sur un forum ou il y a des joueurs meilleurs que soi. Et je pense que si on veut vraiment gagner de l'argent, ça vaut le coup de passer pour un con de temps en temps.
Pour vérifier s'il y a progression ou non, il faut vérifier les indicateurs. Le meilleur indicateur, c'est la balance financière. Combien nous coûte cette erreur? Sur cette main? Sur la session, sur le mois, sur l'année ?

D'où peuvent venir les erreurs? D'un peu partout. Et les erreurs peuvent occasionner des pertes mais aussi du manque à gagner.
  • Les erreurs peuvent être sur la technique de carte. Sélections preflop, taille des mises, Miser, Payer ou se Coucher, agressivité incorrecte, décision d'engagement (commitment) dans une main...
  • Les erreurs peuvent être sur la lecture du joueur. Mauvaise appréciation de la HandRange adverse, mauvaise appréciation de ses intentions, ...
  • Les erreurs peuvent être psychologiques. Impatience, frustration, fatigue, tilt.
  • Les erreurs peuvent être dans la sélection des adversaires. Ne pas faire de pré sélection de tables en cash game, jouer à un niveau ou l'on est dominé en Sngo ou en mtt. Rester sur une table de cashgame qui n'est plus assez bonne.

Fouya! On n'est pas rendus, et j'en oublie sans doute.

Non, on n'est pas rendus. Il y a du boulot, mais par où commencer? La tâche semble si vaste que s'y attaquer sans un minimum de méthode semble présenter pas mal de risques de noyade. Ce sera l'objet d'un prochain article. Essayer de présenter une méthode de recherche des erreurs, et de recherche d'indicateurs objectifs, c'est à dire ne faisant pas intervenir la chance, pour pouvoir s'attaquer à ces erreurs petit à petit.

Ensuite, je pense qu'il parait normal de s'attaquer aux erreurs qui coûtent le plus cher. Donc la stratégie sera par exemple de sélectionner les 5 erreurs les plus coûteuses, de noter combien elles nous ont coûté sur un échantillon de mains significatif (ou de Sngo, ou de Mtt), puis de rejouer le même échantillon en se concentrant sur ces erreurs. On refait alors le point, et si on a joué le jeu, comme par miracle, les résultats devraient être meilleurs. Il sera alors temps de chercher un autre groupe d'erreurs et de recommencer.

3 commentaires:

Raf a dit…

Très intéressant.

j'aime bien le distingo partie de pêche/poissonnerie. Le pire quand tu trouves un fish, c'est si en plus il te prend des jetons en jouant mal. Il est aors très fréquent de se focaliser sur lui pour lui faire payer, de jouer certaines mains qu'on ne devrait pas et surtout d'oublier qu'il peut y avoir d'autres joueurs dans le coup.
Patience, s'il est si nul que ça, il finira bien par tomber dans les filets.

Par contre, je ne suis pas d'accord sur les bad runs : sans vouloir tomber dans une logique à la Bruel sur les cycles, tu ne pourras pas éviter un bad run à une période ou à une autre. Le fait est que les bons joueurs vont l'absorber sans trop de mal quand les mauvais vont rentrer dans un cercle vicieux en faisant empirer leurs défauts. C'est un point important à anticiper.

Unknown a dit…

Je trouve ton sujet excellent Alex, d’ailleurs je pense que des que j’ai le temps, prendre exemple sur certains points aborder pour parler de ma situation quelque peut critique du moment du à un mauvais jeu, plus tilt plus conneries etc... Mais pas le temps actuellement vu que j’ai du travail au job ! Tsss jamais tranquille quand on le souhaite.

Laboulle a dit…

Oui Raph pour le fish. Le probleme, c'est que des fois, on se precipite pour eviter que les tunes partent chez un autre. Si il se fait attraper par un rég, on sait que ça va etre la misere pour les recuperer.
Mais je pense qu'il faut dissocier. L'argent est perdu, c'est dommage, et il faut eviter d'aggraver les pertes. Si le fish se fait attraper par un autre, et bien fin de la chasse. Et il faut rester concentré sur le long terme.

Pour les cycles, je ne dis pas autre chose. J'y crois, ils existent et je les vois à chaque session de cash game. Jeu preflop, plus de jeu preflop. Jeu au flop, plus de jeu au flop. Action, pas d'action. Rencontres devant, rencontres derrière.

Par contre, les cycles, je les constate a priori, pas a posteriori. Et je ne prends pas une décision parceque je suis globalement plutot en good run ou en bad run. Je ne me dit pas "Je suis chaud, je vais toucher", ou "Ce joueur est en chaleur", il va toucher.

Par contre, sur un gros volume de mains, au moins 10k hands et beaucoups plus, si on s'attache à bien jouer tous les cycles, les bons commes les mauvais, on ne doit pas avoir de cata.

Fitoussi dans son Interview bonus sur Radio CP disait que C. Reese etait considéré comme le meilleur joueur du monde pour ça. En cash Game, il jouait le meilleur coup quelque soit les évènements qui avaient pu se passer avant, bons ou mauvais. Je pense que c'est ce qu'il faut avoir en tête.