vendredi 11 septembre 2009

Au secours, je perds mon jeu

Les périodes de doutes sont très fréquentes au poker. Il y a des hauts et des bas plus ou moins longs, c’est ce qu’on appelle la variance. Cette variance est supposée désigner des résultats moins bons ou meilleurs que ceux que l’on aura en moyenne étant donné notre niveau de jeu moyen. Cependant, parfois, la variance n’est pas la seule explication. Un joueur qui avait l’habitude d’être gagnant devient perdant, ou a l’impression de stagner, de ne plus progresser. Dans le pire des cas, nous aurons même l’impression d’accumuler les erreurs et de ne plus savoir jouer. Quelles peuvent en être les raisons ? Comment retrouver de bonnes lignes de jeu sobres et efficaces ? Voici quelques points de réflexion qui peuvent expliquer une baisse de résultats autrement que par le sempiternel « Je run bad ».



Le joueur était il vraiment gagnant ?


La question est abrupte et dérangeante pour l’égo. Étais-je vraiment gagnant ? Sur quel échantillon ai-je fait mon estimation ? En cash game, il est souvent admis que tout échantillon inférieur à 10 000 mains n’est pas représentatif. En tournoi, l’échantillon minimum doit être de plusieurs centaines de tournois. Si l’estimation porte sur des estimations plus faibles, il n’est pas impossible que le joueur ait bénéficié d’une bonne période et que son estimation soit faussée.

Le joueur a-t-il pris en compte tous ses résultats ? Ne pas compter ses périodes de tilt pour calculer son winrate en cash game, ou ne pas compter cette série de 100 sit and go catastrophique sous prétexte que cette semaine là, le joueur était vraiment fatigué et n’aurait pas du jouer fausse évidemment la donne. Combien de périodes de tilt se produisent en 10 000 mains ? Combien de semaine par an cet autre joueur joue-t-il fatigué ?

Occulter ces mauvaises périodes consiste à évaluer le potentiel de son meilleur jeu, mais malheureusement, on ne joue pas son meilleur jeu en permanence. Ce peut d’ailleurs être un axe progression : essayer de jouer son meilleur jeu le plus souvent possible.

La montée de limite


Inévitablement, quand on monte de limite, on affronte des joueurs plus forts techniquement et mentalement. Et forcément, on gagne en général moins et moins souvent. De plus, le jeu peut être différent aux limites supérieures, et il faut un temps d'adaptation pour maîtriser de nouvelles subtilités techniques, ou encore pour s’apercevoir que certains enchaînements de mise n’ont plus la même signification, qu’il y a quelques pièges dans les range de nos adversaires, etc. En bref, il faut le temps de s’adapter. De plus, nos amis qui nous livraient 100bb en cash game sur un mauvais bluff, ou qui nous faisaient doubler régulièrement dans le premier niveau du Sit And Go se font de plus en rare. Il faut se battre pour chaque jeton, et la bataille est de plus en plus rude.



La modification de son jeu


Dans sa quête de progression, le joueur est amené à faire évoluer son jeu. Faut-il nécessairement essayer de devenir Loose Agressive en cash game short handed quand on est tout juste un joueur Tight Semi Agressif correct de Sit And go? Rien n'est moins sûr. Après la mise en place d'un jeu serré et prudent, qui souvent permet d'obtenir de bons résultats aux petites limites, le joueurs essaye d'élargir son jeu, et d'être plus agressif. Cette modification peut être compliquée. Elle demande une grande habileté dans le jeu postflop et la lecture des joueurs adverses. Une évolution LAG mal réalisée peut être catastrophique. Conséquence, au lieu de devenir LAG, le joueur devient plutôt l’ami de tous les réguliers. La portée des modifications dans son jeu est assez difficile à évaluer au poker. Chaque modification peut avoir des résultats trompeurs à court terme à cause de la variance, du timing, des joueurs ciblés. Modifier trop d’aspects de son jeu à la fois va rendre encore plus difficile l’appréciation de la qualité de chaque modification. Enfin, changer radicalement son jeu va modifier son image à la table, ce qui fait une chose de plus à laquelle s’adapter.

La poussée d'égo

Alors qu'au début le joueur novice redoutait et respectait tout le monde, et du coup évoluait avec beaucoup de prudence et de pondération, le joueur après quelques mois de succès peut se sentir pousser des ailes et décider qu'il est temps de commencer à raser les tables. Conséquence, il sur joue beaucoup de mains et s'empale régulièrement contre les monstres des autres joueurs qui continue de jouer leur jeu serré et patient. Une fréquence de bluff trop élevée, une sélection trop loose préflop, l’abandon du respect de la position ou encore arrêter de sélectionner ses parties peuvent être des erreurs fréquentes en cas d’excès de confiance.


Le tilt

Dans l’excellent « Poker Mindset », le tilt décrit tout état particulier ou le joueur ne joue pas son meilleur poker. Les raisons peuvent être très variées. Une des causes de tilt les plus répandues est le bad beat, mais aussi la réussite globale du joueur durant ses dernières sessions. Lorsque le joueur débute, il cherche tout d'abord à ne plus perdre d'argent. S'il atteint cet objectif, il va jouer de plus en plus sereinement. Il fait de moins en moins d'erreurs, et gagne de plus en plus. Du coup, il encaisse assez bien les bad beat. "Ça devait arriver". "C'est le poker". Le joueur s'émerveille de ne plus perdre et de monter petit à petit une bankroll. Dans la seconde phase, le joueur modifie son jeu, monte de limite, prend confiance et se donne des objectifs plus élevés. La modification de son jeu fait que cela se passe un peu moins bien. Il reperd peut être même un peu d'argent. En tout cas, il est loin de ses nouveaux objectifs. Dans cette situation, la frustration commence à grandir. Le joueur est beaucoup plus sensible aux bad beat. Le tilt n'est pas loin. Et si le tilt se déclare, c'est une spirale négative qui s'enchaîne. Pertes record, frustration grandissante, tilt plus violent, perte de confiance... En fait, la stagnation initiale n'est due au départ qu'à des erreurs dues à de mauvaises applications des nouveaux concepts appris d'une part, et au fait d'affronter de meilleurs joueurs d'autre part. Ensuite, le tilt fait le reste.


Se fixer des objectifs irréalistes ou à trop court terme.


Fort de quelques succès, et d'une bankroll naissante, le joueur commence à avoir de grands projets. Dans un mois une bankroll de telle valeur, puis montée de limite. Le joueur réajuste un peu le ROI ou le gain horaire à la baisse, puis remontée de limite, ... et dans « x » mois, le joueur se voit bien passer pro... Quel joueur dans une bonne période de réussite n'a jamais eu ce délire au moins l'espace d'un instant ? Avoir de l'ambition est une bonne chose. Mais le scénario catastrophe est aussi bien connu : La première montée de limite se passe bien, puis quelques difficultés dues aux meilleurs joueurs ou a une mauvaise passe surviennent. Le joueur prend un peu de retard sur son tableau de marche, force un peu et fait quelques erreurs. L'écart sur le planning se creuse, et le joueur se frustre. Dans cette période de frustration, il réagit mal à un ou deux bad beats classiques, et c’est parti pour un tilt en bonne et due forme. La bankroll y passe en partie ou en totalité et tout est à refaire.


Les cycles, les rushs, les bads runs existent, même si on ne peut que les constater après coup. Au poker, on ne choisit pas quand rentre l'argent à court terme. Se fixer des objectifs quantitatifs au niveau des résultats est un exercice périlleux. Ils sont parfois irréalistes, ou sans aucun sens sur une période trop courte. Ils peuvent causer beaucoup de dégâts sur la confiance et la motivation en cas d’échec. Ils nous détournent parfois de l’objectif lorsque l’on joue :

Qui sont ces joueurs ? Quel est leur style ? Quelles sont leurs erreurs ? Quelle est la bonne stratégie pour les battre ? Sont-ils stables ou changent-ils de stratégie et de rythme ? Quelles sont leurs habitudes quand ils sont forts et quand ils sont faibles ? Bluffent-ils ? A quelle fréquence ? Dans quelles conditions ? etc…


Le poker un est jeu de patience et un jeu d'erreurs. Les meilleurs sont les plus patients, ceux qui savent attendre les bonnes opportunités (et même les provoquer), et ceux qui font le moins d'erreur. Il m'arrive de temps en temps d'ouvrir une table de cash game à une limite au dessus de la mienne pour regarder. En général, cela n'a rien d'impressionnant. Le poker y est très semblable. Mais les joueurs qui y jouent sont souvent ceux qui faisaient le moins d'erreur à la limite inférieure, qui y ont accumulé suffisamment d'argent pour se construire une bankroll pour jouer à la limite du dessus. Et si de nouveau ils font moins d'erreurs que les autres joueurs à cette limite, ils pourront accumuler les $ et de nouveau monter de limite. Jusqu'à se confronter à une difficulté importante. Il n'y aura que deux issues : résoudre ces difficultés ou redescendre à la limite inférieure. Éventuellement, on peut voir une troisième alternative : monter de limite pour se refaire et se ruiner. :o)

Le joueur travaille-t-il son jeu ?

Les livres, les forums, les vidéos, les articles sur poker se multiplient. L’intérêt pour ce jeu a touché énormément de monde. Les débutants apprennent à jouer. Les meilleurs deviennent des joueurs gagnant régulièrement, se constituent une bankroll et progressent dans les limites. Les joueurs confirmés en font de même et les meilleurs passent professionnels. Tous ces nouveaux pros viennent grossir les circuits pro forts d’une expérience énorme acquise sur internet. A tous les niveaux de la pyramide, le niveau moyen augmente. Par conséquent, travailler son jeu est vital pour progresser, mais avant tout pour continuer à battre sa limite. Un joueur qui ne travaille pas un est un joueur qui régresse par rapport aux autres joueurs qui travaillent. A moins d’être particulièrement doué et brillant, jouer ne suffit pas. Il faut revoir ses parties, comprendre ses erreurs et ses points forts. Il faut améliorer ses connaissances théoriques du jeu. Il faut étudier la façon de jouer des autres joueurs, et mettre en place une stratégie pour les battre. Le poker est un jeu d’adaptation. Il n’y a pas de recette miracle. Il n’y a que des façons de jouer qui donnent des résultats plus ou moins bons en fonction des joueurs contre lesquels on joue.

Le jeu multitable, attention

Un des gros avantages du jeu online par rapport au jeu live est le nombre de mains et de parties nettement plus important que l’on peut jouer dans un même laps de temps. Se mettre à jouer plusieurs tables doit néanmoins être une décision murement réfléchie. Lorsque l’on joue plusieurs tables, nos capacités d’attention sont réparties sur les différentes tables. Plus il y a de tables, moins on a de temps pour étudier chaque joueur et chaque coup joué. Cela parait évident, mais les conséquences ne sont pas négligeables. Toutes les informations que le joueur perd lui fond perdre également de son avantage sur les autres joueurs. Battre une limite en jouant une table ne signifiera pas battre cette limite en jouant 4 ou 6 tables. Il faut bien identifier d’où provient son avantage à la table. Si notre avantage provient de notre façon de jouer (sélection de mains preflop, agressivité en fin de Sngo, …) et ne dépend que peu de notre observation de la table, notre avantage va peu diminuer en jouant plusieurs tables. Si notre avantage provient pour beaucoup de notre connaissance des joueurs, de notre observation de leur façon de jouer et de nos lectures, nous allons perdre beaucoup de cet avantage en passant à plusieurs tables. Le jeu multitable est souvent un jeu automatique et mécanique. Pour y être gagnant, il faut être sûr que l’on a une méthode qui fonctionne bien en moyenne contre l’ensemble des joueurs de cette limite.

Par ailleurs, le jeu multitable permet peu de faire progresser son jeu. Il est moins ludique. C’est un peu comme aller à l’usine pour faire du travail a la chaîne. Jouer plusieurs tables à la fois doit être l’aboutissement d’un travail préparatoire sur la limite que nous essayons de battre. Il doit permettre de rentabiliser un avantage que nous avons prouvé sur la limite en question. Il faut entrecouper le jeu multitable de séances de travail pour faire progresser son jeu, et éviter de se mettre à multitabler à une limite que l’on ne connait pas. Si les profits sont multipliés par le nombre de tables, les pertes et les erreurs aussi.

La sélection des parties / le ciblage des joueurs :

Au poker, on ne gagne sur le long terme que lorsque l’on est meilleur que ses adversaires. On n’est jamais bon ou mauvais dans l’absolu. On est meilleur que ces joueurs, et moins bons que ces autres joueurs. Cette constatation doit conduire à une réflexion sur les tables auxquelles on s’assoit, qu’elles soient réelles ou virtuelles. Ce tournoi ou cette table de cash game est elle profitable pour moi ? Suis-je meilleur que la moyenne des joueurs ? Suis-je capable de dégager un profit de ces parties ? La réponse n’est pas toujours évidente à priori. Mais en se posant régulièrement la question pendant et après une partie, nous saurons nous faire une idée de plus en plus précise de la réponse.

Une fois que l’on est à table, le même processus peut être mis en place. Quels sont les joueurs qui sont faibles, quels sont ceux qui sont forts ? Cibler les joueurs à jouer et à isoler et ceux à éviter doit immanquablement nous aider à monter des jetons en tournoi, et à gagner de l’argent en cash game. Cette observation des joueurs, même si elle ne permet pas immédiatement de dire s’ils sont forts ou faibles vous apportera peut être des informations concrètes exploitables. Ce joueur ne défend pas ses blindes, je vais l’attaquer plus souvent avec rien. Ce joueur joue beaucoup de coups avec des mains médiocres et n’essaye pas de voler les pots : je vais essayer de l’isoler régulièrement. Ce joueur relance très fréquemment en fin de position et passe sur des sur relance : c’est une cible intéressante à sur relancer avec des mains faibles. Etc…

Si vous aviez l’habitude de gagner à des limites plus basses sans vous poser ce genre de questions, ce sont des considérations à prendre en compte quand les parties deviennent plus difficiles.

Quand les difficultés surviennent, que la confiance s'en va et que le doute s'installe, il est sans doute temps de faire une pause et de prendre du recul. Pourquoi je gagnais avant et pourquoi je ne gagne plus ? Qu'ai je changé dans mon jeu ? Qu'est ce qui a changé dans le jeu de mes adversaires ? Qui sont d'ailleurs mes adversaires ? Comment faire pour les battre? Qu'est ce qui manque à mon jeu pour gagner? C'est sans doute à ce prix que le joueur dans le doute retrouvera le chemin de la victoire.

dimanche 6 septembre 2009

Flopper deux paires


Il nous est tous arrivé de flopper deux paires au flop, de nous sentir soudain très fort et invisible, puis d'essayer de piéger notre ou nos adversaires en slowplayant. Le turn a apporté une carte anodine ou à peine douteuse et l'action s'est emballée. Malgré notre mauvais présentiment, nous n'avons pas su sortir du coup. Le show down nous a permis d'admirer la magnifique quinte ventrale touchée par un de nos adversaires. Une fois la litanie d'insultes contre votre mauvaise fortune vous êtes vous demandé si vous aviez vraiment bien joué le coup? Deux paires au flop est elle une main si solide que cela ? Comment arrêter de gagner peu et de perdre beaucoup avec cette main ? Ce sont les questions auxquelles j'ai essayé de répondre dans ce dossier.



Pendant toute une période d'apprentissage au poker, on se sent quasi invincible lorsque l'on floppe top paire top kicker. On est toujours prets à engager tous nos jetons, quelque soit la profondeur avec cette main. Et petit à petit, cette tendance passe. Nous jetons facilement cette main dans certaines situations. Ou nous essayons de contrôler un peu la taille du pot plutot que de tout envoyer contre trois adversaires. Le problème est parfois plus difficile à corriger lorsque l'on joue deux paires au flop. D'une part, on la joue moins souvent et l'expérience arrive moins vite. D'autre part, c'est une main plus forte avec laquelle on sent souvent très fort, parfois invisible, et quasi invincible. Pourtant, deux paires est la main faite qui se trouve juste au dessus de top paire top kicker. De plus, cette main offre quelque particularités qui la rende difficile à jouer.

Deux paires au flop est une main faite qui a peu d'outs pour améliorer.

Lorsque nous floppons deux paires, nous ne finirons que rarement avec une meilleure main. En effets nos 4 outs nous donnent grossièrement 18% de chances de finir en full. Et le plus souvent, l'apparition de cette doublante aura pour effet d'effrayer la plupart des mains que nous aimerions voir nous payer. De ce fait, l'apparition de nouvelles cartes ne nous aide pas, et aide le plus souvent nos adversaires.

Deux paires au flop est une main qui ne reçoit pas beaucoup d'action.

Quand nous touchons deux paires, il y a moins de chance que le ou les adversaires aient touché une paire vu que nous avons deux des neufs cartes qui permettent de faire une paire avec le flop. Tout particulièrement quand nous touchons deux paires avec les deux plus grosses cartes du flop (top two pairs) ou la plus grosse et la plus basse carte (top and bottom pairs), il n'y a plus que deux cartes que nos adversaires peuvent avoir pour avoir floppé top paire. Ceci explique le manque d'action chronique que nous rencontrons lorsque nous floppons deux paires. Dans une main ou nous sommes plusieurs au flop, nous ne serons pas toujours payé par un adversaire qui n'a que la paire du milieu ou la paire la plus basse. C'est frustrant, et l'on se demande à quoi bon flopper une aussi bonne main si c'est pour ne rien gagner avec.

Deux paires est une main vulnérable à plusieurs.

De la frustration de ne pas avoir d'action découle naturellement les envies de slowplayer cette main. Cependant, contre plusieurs adversaires et selon la nature du flop, nous seront souvent confrontés à des tirages à plusieurs outs: les combinaisons multiples d'une paire avec tirage quinte ventrale ou par les deux bouts, tirage couleur, ainsi que des overcards. Un seul adversaire aura rarement tous ces tirages. Mais plus les adversaires sont nombreux, plus le nombre de cartes susceptibles de nous battre peut être important. De ce fait, il est très important de réduire le nombre d'adversaires le plus tôt possible. Notre main est d'autant plus vulnérable que la hauteur de la plus forte carte est faible, et que nos deux paires ne comporte pas la top paire. Dans ce cas, la top paire ou une overpaire éventuelle bénificiera d'outs supplémentaires si la top paire touche son kicker ou si une doublante apparait au tableau.

Deux paires offre de bonnes cotes implicites aux adversaires.

Le problème, c'est que si un adversaire améliore suffisamment sa main pour nous battre nous lui donnerons probablement beaucoup de nos jetons. S'il n'améliore pas, nous ne lui prendrons rien de plus ou dans le meilleur des cas assez peu de jetons. Dans des situations ou les tapis sont profonds, il est très important de protéger sa main et son tapis. En évitant de perdre votre tapis, vous restez en vie dans un tournoi multitable (MTT), ou dans un tournoi à une table (STT), ou encore vous économisez une cave ou plus en cash game. Les jetons qui ne sont pas perdus sont gagnés.

Les bonnes situations pour deux paires au flop

Les mains contre lesquelles nous souhaitons jouer lorsque nous floppons deux paires sont essentiellement top paire bon kicker et une overpaire. Dans les deux cas, nous souhaitons jouer en tête à tête. Dans ce genre de situations, nous aurons environ 75% de chance de finir vainqueur, et nous avons un client pour nous payer malgré sa main moins bonne.

Si le pot a été relancé, nous aimerions que le flop comporte quelques tirages. Pourquoi ? En général, si nous ne sommes que deux à voir le flop, notre adversaire aura rarement ces tirages et quand bien même, nous partons quand même avec de l'avance. De plus, notre adversaire ne pourra pas écarter le fait que nous sommes éventuellement à tirage et aura beaucoup plus de mal à lacher sa main tant que ces tirages ne rentrent pas. De notre coté, la statégie sera de mettre le maximum de jetons dans le pot avant que les tirages ne rentrent, car cela signifiera souvent la perte de notre client, ou pire encore, que nous sommes désormais battus.

Au contraire, sur un flop 6s 8d Qh, une main comme AQ ou KQ va peut être se poser des questions si elle reçoit beaucoup d'action. Nous aurons plus de mal à extraire de l'argent que sur un flop 6s 8s Qh.

Les mauvaises rencontres:

Il vous arrivera de flopper deux paires et de jouer contre deux paires meilleures ou contre un brelan. Mais ces situations sont tellement rares, qu'il vaut sans doute mieux les écarter tant qu'il n'y a pas plus de mauvais signe apparaissant, comme une doublante ou des tirages qui se précisent.


Illustration:

Pour illustrer ces différents principes, j'ai choisi un cas classique. Nous sommes de grosse blindes avec une main que nous n'aurions pas joué la plupart du temps. Mais plusieurs joueurs ont juste payé la blinde, personne n'a relancé et nous voyons un flop gratuitement. Nous floppons deux paires en touchant les deux cartes les plus basses du flop. Nous retrouvons avec une belle main faite, hors de position, contre plusieurs joueurs. Le flop offre très peu de tirage. Que faire ??


J'ai affecté aux différents limpers des mains potentielles assez classiques.

Hero (BB): 8s4s
SB : 7h5h
BTN : KsJs
CO: Ac8c
MP: JdTd

Scénario 1:
Vous attaquez le flop en espérant être payé par une dame, mais tout le monde passe. Ne pestez pas: vous venez de remporter 5 blindes sur lesquelles vous n'aviez que 37% d'équité. C'est à dire que si tout le monde checkait jusqu'au showdown, vous ne remporteriez le coup que 37% du temps. Voici les résultats que donne Pokerstove:

Hero (BB): 8s4s (deux paires basses) 37.25%
SB : 7h5h (tirage ventral plus tirage couleur backdoor) 17.68%
BTN : KsJs (tirage couleur backdoor + deux overcards par rapport à nos deux paires) 5.128%
CO: Ac8c (Une paire + une overcard + tirage couleur backdoor) 18.62%
MP: JdTd (tirage ventral + tirage couleur backdoor + deux overcards par rapport à nos deux paires) 21.32%

Gagner le coup tout de suite est loin d'être un mauvais résultat. Nous venons de "voler" 62.75% d'équité à nos adversaires.

Bien sur, cet exemple est fabriqué, et nous n'aurons pas toujours autant d'équité à voler. Mais contre 4 mains aléatoires, nous n'aurons en moyenne que 60% d'équité en floppant deux paires ce qui signifie que si tout le monde va au show down, nous ne gagnerons le coup que 6 fois sur 10.

L'autre risque en slow playant notre main et en gardant tous nos adversaires dans le coup, est que les nouvelles cartes apparaissant au tableau dégradent la valeur de notre main et nous amènent à jouer une main compliquée hors de position.

Et puis après tout, voler 60% d'équité de 5 blindes, ça ne fait que 3 blindes. C'est peu, et il peut être tentant de les risquer pour gagner plus. Mais gagner combien en plus ? Et perdre combien si l'adversaire améliore au dessus de nous ? Dans notre exemple, si personne n'a la dame, nous aimerions qu'un As ou un roi tombe pour donner top paire à l'un des adversaires, ce qui ne fait que 6 cartes. De plus, l'as est une fausse bonne carte. Il donnera deux paires à notre adversaire. Nous ne serons pas surpris qu'il mise ou relance, vu que nous penserons "Il a touché son As". Nous perdrons en fait beaucoup à l'arrivée.

Pire encore, je ne connais pas de pire sentiment que de laisser une carte gratuite à un tirage ventral pour lui donner tous mes jetons une fois que ce tirage rentre.

Scénario 2:
Vous checkez pour ne pas effrayer vos clients avec le secret espoir de pouvoir effectuer un checkraise, mais tout le monde check derrière vous.

Le turn: 6d

Le tableau se connecte un peu plus sur les cartes basses et un tirage couleur apparait. La SB checke et nous décidons qu'il est temps d'attaquer (protéger/rentabiliser) notre main. Nous misons 4BB, le joueur en milieu de position paye avec son tirage ventral et son tirage couleur pendant que le CO et le BTN se couchent. La SB relance à tapis pour 25BB. Que faire ?
Nous sommes battus par Q6, 57, 66, 44, 88, mais il y a aussi beaucoup de tirages possibles. Que peut bien avoir ce joueur en milieu de position ? Allons nous sortir de ce coup où nous devons payer 21BB pour en gagner 38 ?? Faut il juste payer ou pousser à notre tour pour essayer de créer un side pot contre ce joueur en MP qui nous couvre ?

Le joueur en milieu de position peut avoir une dame avec un kicker moyen, Q9, QT, QJ ou un bon 8 et être tenté d'aller au show down pour le moins cher possible. Il peut aussi avoir de multiples tirages avec lesquels il a décidé de ne pas enflammer le coup. Certains joueurs frileux auront aussi pp9, ppT ou ppJ.

Le joueur en SB peut avoir un gros tirage avec lequel il essaye de gagner le coup tout de suite. Il est hors de position, et peut s'être donné une chance d'attendre son tirage sans l'attaquer, puis changer d'avis au turn. Son tapis est parfait pour ce genre de move. Il y a 13 blindes à gagner pour son tapis de 24BB et donc le rapport risque/récompense est intéressant. De plus, rien dans l'action jusqu'ici ne laisse supposer que quelqu'un a une main très forte et qu'il sera automatiquement payé. Mais la SB peut aussi avoir des mains faites très fortes, comme deux paires, brelan ou quinte. Sa position en premier de parole et le nombre d'adversaires peuvent l'avoir incité à tenter le check raise au flop puis au turn. S'il a une main très forte, partir a tapis au turn a beaucoup de sens: il y a toujours 13BB à prendre pour son tapis de 24BB, il y a un tirage couleur qui vient d'apparaitre et deux clients potentiels, et il ne reste qu'une carte à venir. Il est temps de faire payer le prix fort aux joueurs à tirage. De plus, s'il a quinte ou brelan, il peut tout a fait espérer qu'un des deux joueurs en lice ait brelan ou deux paires.

D'ailleurs, avant de miser, aviez vous envisagé cette possibilité? Aviez vous déjà pris votre décision? Cet un exercice auquel il faut s'habituer:
Si je mise, quel sera la taille du pot? Quelles seront les tailles des tapis des adversaires comparés à la taille du pot? Quelles mains et quels joueurs sont susceptibles de faire un move dans cette situation? Quels joueurs vais je payer si ils poussent leur tapis? Contre quels joueurs vais je au contraire coucher ma main? Quand la taille du pot se rapproche de la taille des tapis restants, il faut commencer à envisager ses critères d'engagements: quels joueurs suis je prêt à jouer à tapis, et dans quelles conditions ? (Par exemple, si la couleur ne rentre pas à la rivière, je payerai le tapis de ce joueur, mais je coucherai ma main si la couleur rentre)
Dans ce cas précis, vos chances sont minces 7.90% contre 63.16% pour la SB et 28.94% pour le joueur en MP.






Scénario 3:


Le turn : Tc

Cette fois ci le tableau se connecte par le haut, et un tirage couleur apparait. La SB checke et vous misez 3.5BB qui sont payées par le joueur en MP, le CO et le bouton. Le pot fait désormais 19BB

Hero (BB): 8s4s 39.48%
SB : 7h5h, tirage ventral: 7.90%
BTN : KsJs (tirage quinte par les deux bouts) 15.79%
CO: Ac8c (Une paire + tirage couleur max + une overcard) 23.68%
MP: JdTd (tirage ventral + une paire + une overcard par rapport à nos deux paires) 13.16%

Nous sommes favoris contre chaque joueur individuellement, mais toujours pas contre l'ensemble des adversaires.

La rivière vient sous la forme d'un 6d. Tout le monde checke jusqu'au bouton qui mise 14BB. Nous avons toujours la meilleure main, mais nous ne le savons pas. Nous sommes battus par QT, par J9, par 66, 44, 88 Q6, Q8, T6, T8, 75, 97 qui sont des mains plus ou moins crédibles selon le niveau et le style de vos adversaires. De plus, il reste deux joueurs à parler derrière nous. Nous voilà devant une situation bien difficile. Si un As, un 9, un J, un K, une Q ou la couleur étaient rentrés à la rivière, lâcher nos deux paires aurait été plus facile. Est il possible que QT ou J9, n'aient pas envoyé tapis au turn sur un board aussi dangereux?? Voilà en tout cas une décision bien difficile. Telle que la main a été jouée, il me parait difficile de lâcher notre main. Il y a peu de chance qu'une dame ait checké le flop puis amélioré en deux paires. Une paire de 6 paye t elle au turn ?? Pas sur. Nous redoutons un J9 qui slow play, ou encore 97 qui avait un double tirage au turn.




Dans cet exemple, il nous est compliqué de valoriser notre main à la rivière. Beaucoup de grosses cartes, une quinte est rentrée. Nous préférons checker puis payer une mise plutot que de miser et de devoir coucher sur une relance à tapis. En payant à la rivière, nous sommes content qu'un joueur ait essayé de bluffer le coup, car il nous était difficile de miser par nous même hors de position contre 3 joueurs. En gardant beaucoup d'adversaires, nous prenons des risques de les voir améliorer, mais les nouvelles cartes rendent souvent notre main difficile à valoriser si nous sommes en plus hors de position.


En général, avec deux petites paires, et beaucoup d'adversaires, il faut essayer de gagner le coup au flop, ou au moins de réduire le nombre d'adversaires pour faciliter ses décisions par la suite. Le but est d'engager ses jetons dans le coup lorsque l'on est devant, et que notre équité est la meilleure. En général, dans un pot multijoueur, cette situation se produit au flop. De plus, les améliorations avec deux paires sont rares. Il n'y a que 4 cartes qui vous font évoluer vers un full. La doublante pourra le plus souvent effrayer votre ou vos adversaires. Les cartes à apparaitre pourront également geler l'action en inquiétant vous et vos adversaires (une doublante qui ne vous donne pas full, une quinte, une couleur...). Dans un pot non relancé, particulièrement s'il y a peu de chance que le flop ait touché vos adversaires, ou si vos adversaires sont particulièrement passifs, faites le ménage sans attendre que quelqu'un mise pour effectuer un check raise. Vous êtes sans doute bien favori contre chacun des joueurs, mais rarement contre l'ensemble. Si vous optez pour checker le flop, et qu'un adversaire en fin de parole fait une petite mise, ne vous contentez pas de suivre cette mise pour attirer d'autres joueurs. Vous devez essayer d'isoler un joueur, et gagner le coup au flop n'est pas un mauvais résultat. Vous ne savez pas trop quelles cartes vous craignez pour la suite du coup, et moins il y a de joueur dans le coup, meilleure est votre équité.